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autre exemple du style d’une parisienne en 1844.
style de la parisienne des rues du helder, pinon, le peletier, houssaie, joubert.
De la maîtresse de M. le comte de la Mi… à la maîtresse
de M. le marquis de D…
« Chère adorée,

« Tu veux savoir ce que je fais au fond de mon appartement et sur la chaise longue où le docteur m’oblige à rester couchée sous peine de voir ma postérité anéantie dans la personne de M. Louis ou de mademoiselle Marie qui est à naître. Je pense à trois choses qui n’existent pas au moment où je t’écris. Naturellement à mon cher comte, qui est en Italie, à son fils ou à sa fille, qui n’a encore vu ni le jour ni la nuit, et à toi, qui dors d’un profond sommeil à la suite du dernier bal. Jules d’ailleurs m’a laissé en partant beaucoup d’affaires à mettre en ordre, et je suis obligée d’écrire à son avocat, à son notaire pour la succession de son oncle, à plusieurs députés dont les visites me pèsent plus pourtant que la correspondance que j’ai avec eux. Quelles étranges gens, ma bonne amie ! parce que le comte, leur ami, me donne deux mille francs par mois, ils s’imaginent que je dois les prendre sur le marché.

« Il faut voir avec quel aplomb ils parlent d’eux-mêmes, avec quelle assurance ils risquent leurs galanteries, avec quelle infaillibilité ils se proposent… Est-ce que vous me prenez pour madame votre épouse ? ai-je dit à l’un d’eux qui se croyait tout permis, parce que je l’avais autorisé à me baiser le bout du pied toutes les fois qu’il n’aurait pas parlé à la Chambre des députés.

« Tu as promis de venir me voir sous le costume de bohémienne de Paris que tu t’es fait faire exprès pour le dernier grand bal de l’Opéra. Viens donc, je te montrerai en échange la layette de mon futur arlequin ou de ma pierrette future. Du reste ton marquis a dû te dire qu’il m’avait trouvée l’autre jour occupée à marquer des brassières.

« Ne sois pas jalouse, mais il est charmant, ton marquis. Vois-tu, bonne amie, il faut toujours en revenir à ces gens-là en fait de distinc-