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chapitre premier

paix de l’Église ». C’est donc dès le milieu du xvie siècle, trente ans avant la naissance de Jansénius, que commence véritablement l’histoire du mouvement janséniste ; et peut-être n’avancerait-on pas un paradoxe insoutenable si l’on disait que son véritable père est saint Ignace de Loyola lui-même[1].

L’hérésie janséniste, si elle avait jamais existé, serait un corps sans tête, car on vient de voir qu’elle n’a pas eu de chefs comme le luthéranisme, le calvinisme, le molinisme et le molinosisme. Ce qui a été dit de Jansénius, de Saint-Cyran et d’Arnauld pourrait être dit de Nicole, de Quesnel et de Duguet. On peut ajouter hardiment que cette hérésie n’a jamais eu de sectateurs, et il est aisé de s’en convaincre par les déclarations si catégoriques de Pascal dans ses deux dernières Provinciales. L’auteur de ces deux lettres-là est vraiment le contraire d’un janséniste, d’un homme qui soutient les cinq propositions condamnées par le pape. Les Provinciales dans leur ensemble, et notamment celles qui s’attaquent à la morale relâchée, n’auraient pas leur raison d’être si l’homme fait nécessairement le mal quand il n’a pas la grâce. Elles ne signifieraient rien s’il fallait croire sur parole un prélat académicien qui s’amusait il y a dix ou quinze ans à faire l’équation suivante « jansénisme = calvinisme = fatalisme musulman ». Le rigorisme et le fatalisme sont choses incompatibles. De même l’apologie du christianisme à laquelle travaillait fiévreusement Pascal dénotait chez

  1. En 1767, un janséniste émérite écrivait à l’archevêque de Lyon, Montazet, que s’il n’y avait jamais eu de Jésuites, jamais il n’y eût eu de jansénistes.