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histoire du mouvement janséniste

Dieu, et ce commandement est distingué des autres.

XII. Si quelque sentence d’excommunication défend clairement d’exercer l’acte d’une vraie vertu ou détourne d’un vrai précepte, elle doit être regardée tout à la fois comme nulle et injuste, et cela conformément aux doctrines de l’Église.

Le IVe article, le plus hardi de tous, ruinait absolument la fameuse théorie de l’Équilibre, clef de voûte du système de Molina[1].

Après avoir examiné à loisir les douze articles, Benoît XIII promit de les approuver sans réserve ; mais il avait compté sans les Jésuites. Il éprouva de leur part une telle résistance qu’il n’osa pas tenir sa promesse. On lui fit savoir, dit le cardinal de Polignac, qu’il allait déshonorer à tout jamais l’auteur et les défenseurs de la Bulle, le Saint-Siège et l’Église universelle, et que, s’il approuvait les douze articles, « on mettrait l’Église et l’État en combustion ». Il céda ; sa capitulation fut même plus complète que les Jésuites n’auraient osé l’espérer. Il laissa condamner les douze articles par deux prélats fanatiques, l’évêque de Saintes, neveu de Fénelon, et Belsunce, évêque de Marseille ; il ne protesta pas quand on falsifia les procès-verbaux du concile romain de 1725 pour présenter la Bulle comme une règle de foi ; en 1727, il renouvela dans la Bulle Pretiosus le jeu de bascule du Bref aux Dominicains ; il autorisa le concile d’Embrun contre l’évêque de Senez, il félicita Noailles lors

  1. Les Jésuites avouaient dans les Mémoires de Trévoux (février 1727, p. 384) que si ce quatrième article avait été autorisé c’eût été le triomphe du jansénisme. Voici le texte de cet article : « Dans l’état de nature tombée, afin que le libre arbitre de l’homme soit censé pécher ou mériter, il n’est pas nécessaire qu’il y ait une égale facilité pour le bien et pour le mal, ou un penchant égal des deux côtés, ni des forces égales dans sa volonté. »