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France en feu. Le souverain pontife ne répliqua pas, et ce fut pour lui une humiliation profonde. Voici ce qu’on écrivait de Rome le 13 janvier 1762. « L’auteur du livre de l’Exposition peut être content de la prohibition de cet ouvrage, puisqu’elle a donné lieu à un édit du roi d’Espagne qui arrête l’exécution du Bref, et qui a fait que le pape s’est repenti de l’avoir donné. A Venise, la traduction italienne a été réimprimée avec une préface qui a fait avouer au pape, même publiquement, et au maître du sacré Palais que cette édition n’était pas prohibée ; ce qui fait qu’on la vend publiquement à Rome. A Naples, ils l’ont réimprimée de nouveau, et le livre court par toute l’Italie ; tout le monde le lit avec empressement, ce qui ne serait pas arrivé s’il n’avait pas été défendu avec tant de solennité[1]. »

Le résultat de cette entreprise, ou pour mieux dire de cette équipée, ce fut l’entière confusion des Jésuites. Plus heureux que Quesnel, dont il était le disciple fidèle, Mésenguy eut la consolation de ne pas voir l’Église bouleversée par la condamnation de son ouvrage de prédilection, du livre où il mettait en pleine lumière les dogmes de la Grâce efficace par elle-même et de la prédestination gratuite ; Louis XV l’avait aidé à proclamer la toute-puissance de Dieu. Mésenguy mourut à Saint-Germain le 19 février 1763, âgé de quatre vingt-cinq ans, et l’infirmité dont il souffrait le plus, une surdité presque complète, lui épargna les tracasseries d’un clergé moliniste. Le curé qui devait l’administrer lui posa les questions du Ri-

  1. Mémoire justificatif : Avertissement, p. XCII. — Pour se tirer d’embarras, on dit à Rome que la nouvelle édition avait corrigé les endroits condamnés. L’Exposition fut ensuite traduite en allemand, et elle obtint encore un succès très vif.