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Page:Gazon-Dourxigne - Ariane a Thesee, heroide nouvelle, 1762.djvu/11

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Et lorſque dans ſa vaſte & profonde retraite,
Ton bras du Minotaure eût délivré la Créte,
Pourquoi, trop généreuſe, armai-je alors tes mains
Du fil qui t’en fraya les tortueux chemins ?
Ce triomphe, après tout, honore peu Théſée.
Ce fut pour toi, cruel, une entrepriſe aiſée.
Du monſtre homme & taureau quel que fût le courroux,
Ton cœur te ſuffiſoit pour parer tous ſes coups.
Avec un cœur ſi dur il n’eſt point de victoire
Qu’on ne puiſſe obtenir ſans péril & ſans gloire.
Ô toi, de cet Ingrat confident odieux,
Sommeil, qui de ton ombre enveloppas mes yeux,
Afin de leur cacher ſa fuite criminelle ;
Que ne les couvris-tu d’une nuit éternelle ?
Vent, par qui ſon Vaiſſeau fut guidé ſur les flots,
Devois-tu protéger le plus noir des complots ?
Et toi, perfide Amant, par une ardeur trompeuſe
Falloit-il abuſer mon ame malheureuſe ?
Cette ardeur, le ſommeil & le vent à la fois,
Contre mon faible cœur conſpirerent tous trois.
Ainsi donc ſur ces bords je vais perdre la vie,
Sans pouvoir eſpérer qu’une Mere chérie,
En me fermant les yeux, ſoulage mes douleurs,
Et ſans voir mon trépas adouci par ſes pleurs !
Il faudra qu’en ces lieux, privé de ſépulture,
Des avides oiſeaux mon corps ſoit la pâture ;
Et mes Mânes errans y chercheront en vain,
Pour aſſurer leur ſort, quelque pieuſe main !