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Page:Gazon-Dourxigne - Ariane a Thesee, heroide nouvelle, 1762.djvu/8

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J’y monte, & du ſommet examinant les mers,
J’apperçois ton Vaiſſeau, que, loin de ma préſence,
Entraîne un vent propice à ta lâche inconſtance.
Soit que je l’euſſe vû, soit que mes ſens trompés
Par une illuſion fuſſent alors frappés,
À cet aſpect funeſte, un froid mortel me glace :
Mais bientôt au dépit mon trouble ayant fait place,
Par de nouveaux accens j’implorois ton ſecours,
Infidéle Théſée ; & lorſque mes diſcours
Étoient interrompus par le cours de mes larmes,
Ma main, en me frappant, t’expliquoit mes allarmes ;
Et trop d’eſpace enfin te ſéparant de moi,
Par des geſtes encor je m’adreſſois à toi :
Des maux que j’éprouvois ils te traçoient l’image ;
Et pour te rappeller je mis tout en uſage.
Cependant ton Vaiſſeau diſparut, & mes yeux
S’occuperent long-tems à pleurer en ces lieux :
Eh ! quel plus doux emploi pouvois-je leur preſcrire,
Loin du parjure Amant qui cauſoit mon martyre ?
Tantôt d’une Bacchante imitant les fureurs,
Je cours & remplis l’air d’effroyables clameurs :
Tantôt laſſe d’errer, plus calme & plus tranquille,
Je m’étends ſur le roc, & j’y reſte immobile.
Quelquefois retournant vers ce malheureux lit,
Témoin du piége affreux que ton cœur me tendit,
Pour calmer mon ennui, je m’y jette, l’embraſſe ;
Je baigne de mes pleurs l’endroit où fut ta place ;
Et je m’écrie : « Ô toi, qui nous reçus tous deux,
« Lit fatal, qu’as-tu fait de l’objet de mes vœux ?

A iij