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Page:Gazon-Dourxigne - Ariane a Thesee, heroide nouvelle, 1762.djvu/9

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« Et pourquoi, n’écoutant qu’une ardeur inconſtante,
« L’ingrat eſt-il parti ſans ſa fidelle Amante ?
Que deviendrai-je ici ? Sur ces ſtériles bords
La Nature jamais n’étala ſes tréſors :
Aucun champ cultivé dans cette Iſle ſauvage,
Des ſoins du Laboureur n’offre à mes yeux l’ouvrage,
Et je n’y vois par-tout que d’horribles rochers ;
Je n’ai, pour en ſortir, ni Vaiſſeau ni Nochers ;
Et quand même j’aurois cette triſte reſſource,
En quels climats, ô Ciel ! bornerois-je ma courſe ?
Où fuir ? où me cacher ? quel ſeroit mon eſpoir !
Minos dans ſes États voudra-t’il me revoir ?
Hélas ! à mes déſirs la mer en vain docile,
Au bout de l’Univers m’ouvriroit un aſyle :
Exilée en tous lieux, un long banniſſement
Seroit toujours le prix de mon aveuglement.
Non, je ne verrai plus cette contrée heureuſe,
Par cent belles Cités, renommée & fameuſe,
Ce floriſſant Empire où regnoient mes Ayeux,
Et qui fut le berceau du Monarque des Dieux !
La Crète, où j’ai trahi mon devoir & mon pere,
Eſt pour moi déſormais une terre étrangere.
Quand ma main te donna ce fil qui, de tes jours,
Au milieu des dangers, conſerva l’heureux cours ;
« Oui, j’atteſte des Dieux la puiſſance immortelle,
« Que, tant que nous vivrons, je te ſerai fidelle ;
Diſois-tu : Nous vivons cependant, ſi pour moi
Ce ſoit vivre en effet que de vivre ſans toi.
Cruel ! que n’ai-je été par toi-même égorgée !
Ta foi par mon trépas eût été dégagée ;