Page:Geffroy - Sisley.djvu/34

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aucun visiteur ne gesticule et ne vocifère. Pourquoi ?

Ces tableaux sont restés les mêmes, et leur nouveauté, qui paraissait, il y a vingt ans, folle et scandaleuse, se révèle aujourd’hui sage et rassurante, continuant simplement la tradition de la peinture, avec l’ajouté d’une personnalité. C’est que la personnalité surprend toujours, que la plus petite nuance de changement déroute. Au moins, ceux qui connaissent les musées, ceux qui écrivent sur l’art, ceux qui collectionnent des toiles, devraient savoir et expliquer aux autres cette loi de l’évolution continue et de l’originalité artistique.

Il n’en a pas été ainsi pour Sisley et ses amis. On les a laissés se débattre à peu près seuls contre les difficultés de chaque jour. C’est tant mieux, et il ne faut voir ici aucune récrimination contre le sort : la lutte courageuse est nécessaire et vivifiante, l’artiste prend conscience de lui-même dans la défaite et dans la solitude. Sisley continua donc, et comme il n’était pas un peintre qui se satisfait d’une manière et s’en tient à une fabrication monotone, il quitta les toiles qui viennent d’être dites pour des recherches et des réalisations autres. Et cela, non par un brusque parti-pris, très tranquillement au contraire, par des transitions peu sensibles, dont il ne

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