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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/102

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livres ; ma tante ne lisoit que de petites brochures, dont la plupart m’étoient interdites. D’ailleurs j’aurois eu besoin d’être dirigée à cet égard, et je n’avois point de guide. Je donnois plus de quatre heures à la musique, tant pour le chant que pour le clavecin et la guitare ; j’employois une heure à répéter mes vers ; je passois tous les jours au moins trois heures chez ma tante ; en outre j’allois tous les jours à l’Opéra ou à la Comédie Françoise, ma tante avoit des loges à ces deux spectacles. Je vis débuter mademoiselle Arnoult[1] à l’Opéra ; je me souviens encore de l’habit qu’elle avoit :

  1. Cette actrice, non moins célèbre par ses bons mots que par ses talens, étoit née en 1744, et n’avoit pas encore quatorze ans lorsqu’elle débuta à l’Opéra en 1757 ; elle y est restée jusqu’en 1778, époque de sa retraite. Elle est morte en 1803. Ce fut mademoiselle Arnoult qui, dans un jardin à l’angloise, dit, en voyant un ruisseau honoré du nom de rivière : Cela ressemble à une rivière comme deux gouttes d’eau. Ce fut elle encore qui fit une variante très-plaisante à ce vers ridicule de Lemierre :

    Bouche, œil, sein, port, teint, taille, en elle tout ravit.

    Voici la variante de mademoiselle Arnoult :

    En toi tout est touchant, tout attendrit, tout touche,
    Sein, bras, front, teint, port, taille, etc.

    (Note de l’éditeur.)