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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/111

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tion qui me mettoient pour ainsi dire au-dessus des coups du sort. Mon esprit n’étoit pas formé, je tenois encore à l’enfance par mes goûts et par une extrême naïveté ; mais mon âme avoit une force qu’on a bien rarement à treize ans. On me déclara la ruine entière de mon père, et la vente de Saint-Aubin ; toutes les dettes payées, il ne nous restoit plus qu’une modique pension viagère de douze cents francs, sur les têtes de mon père et de ma mère, et pas un asile sur la terre !… À cette même époque, ma mère et ma tante se brouillèrent ; ma mère m’annonça que nous la quitterions sous un mois, et qu’il falloit me séparer de mademoiselle de Mars, que sa situation ne lui permettoit plus de garder !… J’aimois ma tante, je chérissois mademoiselle de Mars ; ma douleur, qui fut extrême, déplut à ma mère ; il fallut la cacher…… J’en eus le courage, mais je pleurois tous les soirs dans mon lit, et souvent deux ou trois heures. Mademoiselle de Mars n’étoit pas moins affligée, non qu’il ne lui fût aisé, avec ses talens et son esprit, de trouver une place plus lucrative, d’autant plus qu’elle avoit à Paris une tante fort à son aise, qui la prenoit chez elle, jusqu’à ce qu’elle fût placée ; mais