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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/112

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elle m’aimoit véritablement, et nous nous étions promis tant de fois de ne jamais nous séparer !… Je n’oublierai jamais la veille de cette cruelle séparation ! Elle me permit de veiller avec elle jusqu’à une heure après minuit, elle me donna d’excellens conseils pour la suite de ma vie ; elle me fit promettre d’avoir plus d’application, d’employer mieux mon temps et de modérer ma vivacité, qui ne me portoit pas à la colère, mais qui me donnoit un enthousiasme ardent pour tout ce qui me plaisoit. Enfin elle m’exhorta à conserver mes sentimens religieux. Nous échangeâmes nos Heures ; j’ai conservé plus de vingt ans les siennes, qui étoient une Journée chrétienne, sur laquelle son nom étoit écrit ; je les ai perdues dans un voyage. Je lui donnai une petite bague de mes cheveux, que j’avois à cette intention reprise à ma cousine. Nous nous engageâmes à prier Dieu l’une pour l’autre tous les jours, soir et matin ; nous versâmes un torrent de larmes, je pleurai dans mon lit presque toute la nuit. Mon réveil fut affreux ; on m’apprit qu’elle étoit partie à sept heures du matin ; elle m’avoit laissé l’espérance que je la reverrois encore et qu’elle déjeuneroit avec moi ; je pleurois si amèrement que