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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/113

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j’en étois défigurée ; on me gronda, je fis les plus grands efforts sur moi-même ; mais j’étouffai toute la journée.

Quinze jours après, nous quittâmes ma tante, qui me montra beaucoup de tendresse et de regrets : elle me serra long-temps dans ses bras, et ses larmes coulèrent avec les miennes ; je me souviens qu’elle me dit : « Pauvre enfant, tu ne seras jamais heureuse, tu es trop sensible. » Elle avoit raison. Elle me donna un charmant petit panier de porcelaine, rempli de pastilles de chocolat, enveloppées dans du papier, parmi lesquelles se trouvoit une très-belle bague de rubis entourée de brillans. Je regrettai peu mes cousines : la cadette étoit trop enfant, l’aînée avoit peu de sensibilité, et beaucoup de jalousie des préférences souvent trop marquées de sa tante pour moi ; elle a été depuis une femme très-estimable. Nous allâmes loger rue Traversière, dans un petit appartement au rez-de-chaussée donnant sur un jardin humide ; cet appartement me parut bien triste et bien mesquin en le comparant à l’élégante maison que nous venions de quitter. Combien je m’y trouvai seule, privée de l’amie si chère avec laquelle