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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/120

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terre de M. Hume : c’étoit une femme d’un très-grand mérite. J’entendis pour la première fois à Passy jouer de la harpe. M. de la Popelinière avoit une musique à lui et parfaitement bonne. Gossec, excellent compositeur, qui vit encore, en étoit. Mais ce qui m’en charma le plus fut un vieux joueur de harpe, un Allemand nommé Gaiffre, qu’on appeloit le roi David, et à qui l’on doit l’invention des pédales. Avant lui la harpe, n’ayant point de pédales, étoit un instrument si borné qu’on ne le connoissoit qu’en Allemagne dans les rues et dans les tavernes. Gaiffre l’ennoblit par une invention qui en fit le plus beau des instrumens. Il n’en jouoit que pour préluder fort médiocrement, quoiqu’il fut bon harmoniste ; mais il manquoit de doigts, et n’avoit pas l’idée de ce qu’on peut faire sur cet instrument admirable. Il avoit en tout quatre ou cinq écoliers, parmi lesquels se trouvoient M. de Monville et madame Saint-Aubin, qui tous ne savoient faire que quelques arpégemens pour s’accompagner en chantant ; et c’étoient là les seules personnes qui jouassent en France de la harpe. Au reste, le bon Gaiffre posoit mal à la harpe ses écoliers, qu’il faisoit asseoir beau-