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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/125

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amitié est du dévouement, mon estime de l’admiration ; j’ai toujours parfaitement vu les défauts de ceux que j’aimois, mais je ne les appelois des défauts que parce que je sentois qu’ils devoient paroitre tels aux autres ; pour moi ce n’étoient que des écorces fâcheuses, j’en faisois des vertus, et ces vertus, créées par mon imagination, m’attachoient d’autant plus, que je me disois qu’elles n’existoient que pour moi, et que je me croyois seule capable de les découvrir et de les apprécier. Quand je n’aimois pas, je voyois sans exagération le bien et le mal ; jamais l’aversion et le ressentiment ne m’ont fait faire de faux jugemens. Je respectois ma mère, ma soumission profonde pour elle ne s’est jamais démentie un instant. Je croyois devoir lui payer en soins, en respect, en obéissance parfaite (et jusqu’à sa mort), ce que je ne pouvois lui donner en intimité de confiance. Il y avoit dans nos genres d’esprit, nos opinions, notre humeur, et nos caractères la plus singulière opposition. Elle étoit sérieuse, sévère, imposante ; sa figure étoit la plus noble que j’aie vue ; elle avoit de grands yeux noirs un peu couverts, mais d’une singulière beauté ; je n’ai jamais pu soutenir son regard pénétrant.