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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/126

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Au reste elle possédoit d’admirables qualités ; elle étoit charitable, généreuse ; sans être dévote elle avoit des sentimens religieux, un esprit infini, qui auroit eu beaucoup d’éclat si elle eût eu plus d’instruction. Lorsqu’elle avoit envie de plaire, personne au monde ne pouvoit être plus aimable.

Je me levois de grand matin à Passy, et j’allois, avant le réveil de ma mère, me promener dans le jardin avec mademoiselle Victoire ; cette dernière s’asseyoit sur un banc, et cousoit tandis que je me promenois sous ses yeux. Là je faisois des châteaux en Espagne, et souvent des dialogues en parlant tout haut, habitude que j’ai conservée toute ma vie, et qui m’a procuré les plus agréables amusemens et même les plus grandes consolations que j’aie goûtées. Dans ces premiers dialogues, je me supposois toujours avec mademoiselle de Mars venant me voir secrètement. Je lui contois tout ce qui m’arrivoit, tout ce que je pensois ; je la faisois parfaitement parler dans son caractère ; elle me donnoit de très-bons conseils pour le présent et pour l’avenir ; elle me contoit aussi de son côté toutes sortes de choses que j’inventois avec une merveilleuse