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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/149

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mit le comble à l’étonnement des Espagnols, en ne leur parlant qu’en latin. Ils questionnèrent ce singulier sauvage ; et, touchés du récit qu’il leur fit, charmés de l’esprit et même du génie qu’il leur montra, ils lui offrirent de l’attacher au service des Espagnols ; il y consentit à condition qu’ils feroient la paix avec les sauvages. Quand cette paix fut faite il se sauva, et passa chez les Espagnols ; il s’y conduisit d’une manière si parfaite, qu’il y fit un riche mariage, et, au bout de dix ou douze ans, il fut nommé gouverneur de la Louisiane. Il acquit de belles habitations, se forma une superbe bibliothèque et vécut là parfaitement heureux. Par la suite il fit un voyage en France, sa cruelle mère n’existoit plus. J’étois alors au Palais-Royal ; il venoit dîner presque tous les jours chez moi il étoit grave et mélancolique, il avoit un esprit infini, sa conversation étoit du plus grand intérêt. Outre les choses extraordinaires qu’il avoit vues, il avoit prodigieusement lu[1] et sa mémoire étoit admirable. On voyoit à travers ses bas de soie les serpens peints par les sauvages, qu’il avoit ineffaçablement gravés

  1. Dans les langues latine, françoise et espagnole.
    (Note de l’auteur.)