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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/164

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et plus accompli : elle avoit quarante ans, et elle étoit encore belle ; ses manières étoient remplies de douceur et de noblesse, le son de sa voix alloit au cœur. Elle adoroit son mari, dont elle connoissoit les torts sans avoir jamais l’air de lui en soupçonner un seul. Chevilly étoit un lieu charmant et ne ressembloit à aucun autre. La maison n’étoit qu’une ferme ornée, mais commode et charmante à habiter. Elle étoit placée entre une grande cour et un bois délicieux, surtout au printemps, car il étoit exactement tapissé de violettes doubles et de muguet. Je n’oublierai jamais le plaisir extrême que j’ai goûté durant tout le printemps à cueillir des fleurs dans ce bois embaumé, pour en faire tous les matins des bouquets pour madame de Joui !… Il y avoit dans ce corps-de-logis, appelé la Ferme, une laiterie célèbre alors ; elle étoit neuve, éblouissante ; tout en coquillages nacrés et en marbre blanc, et les vases en porcelaine. On y trouvoit à toute heure et en abondance de la crème excellente. Le jardin de Chevilly avoit, je crois, quarante arpens, il étoit tout entier planté d’arbres fruitiers ; sa forme étoit carrée et entourée de quatre terrasses élevées ; chaque