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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/178

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là Albanèze[1], compositeur et chanteur très-agréable. Madame de Civrac nous fit faire connoissance avec madame la duchesse d’Uzès, sa sœur, et avec madame la comtesse de Beuvron. Je soupois dans ces maisons trois ou quatre fois la semaine, et j’y jouois sans cesse de la harpe. Malgré toutes les louanges dont on m’accabloit, et malgré ma grande jeunesse et mon inexpérience, un instinct de bon goût né avec moi me faisoit sentir que ma mère prodiguoit beaucoup trop ma harpe et mon chant. J’étois mal à mon aise dans ces brillantes sociétés, quoique j’y fusse caressée à l’excés. Je pensois deux choses : la première, qu’il ne faut se produire dans le grand monde que lorsqu’on peut y être à peu près comme les autres, pour la manière d’être mise, etc. ; la seconde, que sans mes talens on n’auroit eu aucune envie de m’attirer. Ces idées me blessoient, me donnoient le goût de la solitude, et une excessive timidité, que j’ai conservée bien long-temps.

  1. Albanèze, Italien, soprano célèbre, né en 1754, mort, en France, vers l’année 1800. Il a composé plusieurs airs et des duos qui pendant long-temps eurent une grande vogue.
    (Note de l’éditeur.)