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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/209

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sont obligées de laisser leurs clefs à leurs portes jour et nuit. Pendant tout le carnaval, je donnai chez moi, avec la permission de l’abbesse, des bals deux fois la semaine. On me permit de faire entrer le ménétrier du village, qui étoit borgne, et qui avoit soixante ans. Il se piquoit de savoir toutes les figures et tous les pas, et je me souviens qu’il appeloit les chassés, des flanqués. Mes danseuses étoient les religieuses et les pensionnaires ; les premières figuroient les hommes, et les autres les dames. Je donnois pour rafraichissemens du cidre, et d’excellentes pâtisseries faites dans le couvent. J’ai été depuis à de bien beaux bals, mais certainement je n’ai dansé à aucun d’aussi bon cœur, et avec autant de gaieté.

Il m’arriva une belle aventure qui donna dans le couvent une grande idée de mon courage. Une jeune personne voulant se faire religieuse vint avec sa mère à Origny, on les logea dans un grand appartement à côté du mien et vide depuis plus de trois ans. Tout le monde dans le couvent étoit couché avant dix heures ; pour moi j’écrivois, je lisois, je jouois de la harpe et communément jusqu’à deux heures du matin ; le soir même du jour de l’ar-