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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/215

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son venin sur mademoiselle Beaufort. Le lendemain matin, la pauvre fille entra dans ma chambre en pleurant et en me disant que madame l’abbesse venoit de lui donner son compte. « Eh bien, lui dis-je, consolez-vous, je vous prends à mon service. » Mademoiselle Beaufort fut transportée de joie, et s’installa tout de suite dans mon appartement. Madame l’abbesse eut beau jeter feu et flamme, je persistai avec beaucoup de sang-froid dans ma résolution ; et je gardai mademoiselle Beaufort. Nous avions déjà joué dans nos chambres quelques petites scènes pour amuser ma mère les soirs, quand tout le couvent étoit couché. Mademoiselle Beaufort, à mon grand étonnement, me demanda de lui donner un petit rôle de bergère ; elle avoit quarante-cinq ans, ses cheveux étoient gris, elle étoit fort couperosée, et les deux dents de devant lui manquoient. Nous jouâmes l’Oracle, et je lui fis jouer le rôle de l’amoureux, que Lucinde appelle Charmant, et qu’elle conduit en lesse, avec un ruban couleur de rose n’ayant point de costume, nous l’habillâmes galamment avec une redingote de Lemire, mon domestique, et nous l’assurâmes qu’il étoit indispensable qu’elle eût sur la tête