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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/228

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celui de Donna. Depuis ce jour le chevalier don Tirmane ne m’a jamais appelé que la comtesse Donna. Après cette cérémonie, on fit retirer le chevalier dans une chambre, en lui disant d’y composer une harangue de remercîment pour la reine. Au bout d’une heure, admis au pied du trône, il dit : Princesse, je suis donc Don !… Il en resta là, et la reine fut très-satisfaite de cette exclamation, qui exprimoit du moins une satisfaction très-sincère. Ces folies durèrent trois mois, je n’ai jamais autant ri dans tout le reste de ma vie ! Quand le rire me gagnoit, je tirois de ma poche mon mouchoir que j’appliquois sur mon visage, et le chevalier don Tirmane croyoit que je pleurois d’attendrissement, et il étoit lui-même fort touché de l’extrême sensibilité de la comtesse Donna. Ce qu’il y eut de plus singulier dans cette longue mystification, c’est que les domestiques, les paysans, et tous nos voisins furent d’une égale discrétion, et que pas un ne dit à M. Tirmane un seul mot qui put le désabuser.

Cependant, depuis que nous l’avions fait noble, il étoit devenu fort impertinent avec les domestiques, et en général avec tous les rotu-