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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/251

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Frétoy deux heures après le dîner ; il y avoit beaucoup de monde de Paris. J’avois un chapeau de villageoise, comme on disoit alors ; il étoit neuf, tout couvert de fleurs charmantes et attaché sur l’oreille gauche avec beaucoup d’épingles. À peine étois-je assise que le terrible enfant du château vint m’arracher des mains un superbe éventail, et le mit en pièces. Madame d’Estourmel fit une petite réprimande à son fils, non pas d’avoir brisé mon éventail, mais de ne pas me l’avoir demandé poliment. Un instant après l’enfant alla confier à sa mère qu’il avoit envie de mon chapeau ; « Eh bien, mon fils, répondit gravement madame d’Estourmel, Allez le demander bien honnêtement. » Il accourut aussitôt vers moi en disant : « Je veux votre chapeau. » On le reprit d’avoir dit je veux, c’est ce que sa mère appeloit ne lui rien passer. Elle lui dicta sa formule de demande : « Madame, voulez-vous bien avoir la bonté de me préter votre chapeau. » Tout ce qui étoit dans le salon se récria sur cette fantaisie, la mère et l’enfant y persistérent ; M. de Genlis s’en moqua un peu aigrement, je vis que madame d’Estourmel alloit se fâcher, alors je me levai ; et, sacrifiant généreu-