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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/259

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au mois de novembre, le maître de poste me dit qu’il n’avoit point de voitures ; j’en fus charmée intérieurement ; je demandai trois chevaux de poste, un pour moi, un pour mon laquais, et le troisième pour ma femme de chambre. À ces mots, mademoiselle Victoire éclata de rire, croyant que c’étoit une plaisanterie ; je l’assurai d’un ton si ferme, que telle étoit ma volonté, du moins pour moi, qu’elle n’en douta point ; elle resta stupéfaite. Je lui dis cependant qu’elle étoit maîtresse de ne pas me suivre, mais que j’étois décidée à partir ainsi. Elle avoit monté à cheval en partie de plaisir plusieurs fois, et continuellement à âne ; elle étoit forte et courageuse ; je n’eus pas beaucoup de peine à lui persuader qu’elle courroit la poste à merveille. Lémire, mon domestique, qui étoit l’homme du monde le plus sérieux et le moins sage, nous proposa deux choses que j’acceptai, l’une de prêter à mademoiselle Victoire des culottes et une redingote pour courir, dit-il, décemment, l’autre de mettre des bottes fortes. Il me donna les siennes ; comme elles étoient beaucoup trop larges, il m’empailla les jambes fort adroitement ; alors, transportée de joie,