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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/260

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pendant que mademoiselle Victoire faisoit sa toilette, je demandai le maître de poste, et je lui signifiai mon dessein ; cet homme, qui étoit fort attaché à M. de Genlis, fut très-effrayé de cette résolution ; pour la motiver, je l’assurai qu’une affaire de la plus grande importance m’appeloit à Paris, et je le pressai de faire seller nos chevaux ; il me dit qu’il m’en alloit chercher un excellent qui n’étoit pas dans la maison. Il courut toute la ville pour avoir une voiture, et, à mon grand déplaisir, il en trouva une, mais qui n’avoit ni glaces, ni rideaux par devant. Je regrettai mes bottes fortes et la gloire de faire vingt-cinq lieues à franc étrier. Mademoiselle Victoire resta habillée en homme ; j’ôtai ma jupe ; nous courûmes toute la nuit, et à toutes les postes je descendois, enchantée d’être prise pour un homme, demandant toujours du jambon pour faire relever les servantes auxquelles je disois toutes sortes de folies. Mademoiselle Victoire n’étoit pas de fort bonne humeur ; il pleuvoit à verse, et elle n’avoit point de chapeau ; je lui mis sur le visage un mouchoir de soie rouge. À la première poste elle descendit avec moi pour se chauffer ; et, pour m’imiter, elle