Aller au contenu

Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tomba fort lourdement sur M. de Genlis, et avec sa tête, qui cogna rudement celle de M. de Genlis, elle lui pocha l’œil de la plus étrange manière, et elle ne se fit aucun mal. M. de Genlis fut au désespoir de son œil poché, parce qu’il étoit convenu que nous jouerions la comédie en arrivant à Grisolles, et il s’étoit chargé de deux rôles d’amoureux qu’il savoit parfaitement. M. de Boulainvilliers, fils du fameux millionnaire Samuel Bernard[1],

  1. Samuel Bernard etoit fils d’un riche négociant hollandois ; il dut son immense fortune, évaluée à trente-trois millions, moins encore à son habileté qu’à l’incapacité du ministre Chamillard, dont presque toutes les opérations furent ruineuses. Les temps de désordres sont favorables aux opérations des financiers. Samuel Bernard prêta de l’argent à Louis XIV et à Louis XV, mais il s’en fit faire, de vive voix, la demande par ces deux princes. Il fut créé comte de Coubert, conseiller d’état, etc. ; et son petit-fils, prévôt de Paris, devint, du chef de sa mère, marquis de Boulainvilliers ; la fille de Samuel Bernard épousa le président Molé, et sa petite-fille le duc de Brissac. L’âme de Samuel Bernard étoit élevée, généreuse ; il ne craignit point de rester l’ami d’un ministre disgracié, le garde-des-sceaux Chauvelin ; et sa bienfaisance fut telle qu’à sa mort on reconnut qu’il avoit prêté la somme énorme de dix millions dont il avoit négligé de