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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/324

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une beauté parfaite en miniature, elle étoit d’une petitesse extrême. J’allois quelquefois chez la marquise de Ronçay, ancienne dame de feue madame la princesse de Condé ; elle recevoit du monde tous les samedis, on y causoit, on y faisoit de la musique, j’y jouai plusieurs fois de la harpe. Je vis chez elle M. de Champfort[1], qui avoit déjà donné la Jeune Indienne ; il avoit une jolie figure et beaucoup de fatuité. Je fis connoissance chez madame de Boulainvilliers avec un autre poëte, Lemierre ; c’étoit un excellent homme, qui lisoit ses tragédies avec une véhémence ridicule, qui néanmoins avoit beaucoup de talent, et d’ailleurs de très-bons sentimens. Il étoit d’une laideur étonnante, mais qui n’avoit rien de repoussant ; l’idée qu’il avoit de son mérite étoit fort exagérée, il la montroit franchement et sans arrogance, c’étoit plutôt une opinion qu’une pré-

  1. La Jeune Indienne et le Marchand de Smyrne ont paru dans un temps où la littérature légère étoit de mode. Champfort ne s’est guère élevé au-dessus de ce genre qui n’exige ni la connoissance des hommes ni la connoissance des livres. Il est fort douteux qu’il ait eu autant de part qu’on lui en attribue aux éloquentes philippiques de Mirabeau. Champfort, né en 1741, est mort en 1794 des suites d’une tentative de suicide.
    (Note de l’éditeur.)