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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/326

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petite fille avoit une difformité ; il m’exhorta à me tranquilliser, en m’assurant que le lendemain on me diroit tout. Je n’étois nullement disposée à me tranquilliser, je fonds en larmes, je m’écrie que je veux voir mon enfant, pour la bénir et l’aimer toute seule, fût-elle une carpe. M. de Genlis me gronde de ce qu’il appelle mon imagination sans frein, enfin on m’apporte ce monstre qui a été depuis une si charmante personne, et l’on me fait voir qu’elle a au bas du cou une grosse fraise en demi-relief, bien rouge, picotée comme ce fruit, de la même forme, et parfaitement ressemblante à une belle fraise de jardin. En voyant que ce n’étoit que cela, ma joie fut immodérée ; je dis même, et je le pensois, que cette singularité me paroissoit fort jolie, et que je désirois qu’elle la conservât ; mais M. de Genlis, animé contre cette pauvre fraise, a fait avec persévérance tous les remèdes imaginables pour l’aplatir et la faire disparoître, et l’on parvint enfin à l’effacer entièrement.

Aussitôt que je fus relevée de cette couche, j’allai au printemps à l’Île-Adam, chez M. le prince de Conti. J’étois déjà dans le monde, mais je n’avois jamais été à l’Île-Adam ; et, pour une jeune personne, c’étoit un début.