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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/431

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à dessein cette triste couleur, il a voulu être penseur, et il a pris la pesanteur pour la profondeur. C’est ce poëme qui a le premier introduit en France les prétentions philosophiques, romantiques et germaniques à la mélancolie, et en outre le genre descriptif, dans lequel les personnages, les passions, les vertus, les sentimens, ne sont que des accessoires, tandis que les forêts, les plantes, les rochers, les cavernes, les eaux, les précipices, les ruines, forment le fond du sujet. C’étoit tout le contraire autrefois, mais nous avons changé tout cela. Ce bouleversement est le fruit naturel du matérialisme : en desséchant les âmes, il a desséché l’imagination et la littérature. Malgré tous ses défauts le poëme des Saisons conservera toujours une place honorable dans les bibliothèques françoises, parce que le langage en est beau, et ce mérite suffit pour assurer la durée d’un ouvrage. Comme tout le monde, je lus ce poëme, et j’en pensois dés lors à peu près tout ce que j’en dis aujourd’hui. Un autre auteur, dans ce temps, excitoit, dans un autre genre, un grand enthousiasme ; c’étoit Thomas, et je partageai cette admiration, dont j’ai bien rabattu depuis. Il y a, dans ses dis-