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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/49

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et je regardois ce héros avec une espèce de saisissement. Cette première impression d’admiration fut si vive en moi, que ma physionomie l’exprima avec toute la naïveté de mon âge ; le maréchal m’en sut gré, il s’occupa beaucoup de moi ; il me prenoit souvent sur ses genoux, j’en étois plus flattée que de tout ce que les autres pouvoient faire pour moi.

J’avois quitté mon panier en arrivant à Étioles, pour prendre ce qu’on appeloit un habit de marmotte ou de Savoyarde : c’étoit un petit juste de taffetas brun avec un jupon court de la même étoffe, garni de deux ou trois rangs de rubans couleur de rose cousus à plat, et pour coiffure un fichu de gaze noué sous le menton. Je retrouvois un jardin ravissant, j’avois la permission d’y cueillir des fleurs, je dînois à table avec mon héros, ensuite je courois toute la journée sous les ombrages du jardin ; le soir je soupois dans ma chambre avec l’ainée de mes cousines qui n’avoit que quatre ans. Cette vie me paroissoit délicieuse. Sur la fin du voyage, on donna une grande fête au maître de la maison, et l’on m’y fit jouer le personnage allégorique de l’Amitié. J’avois un bel habit, je chantai avec beaucoup de succès