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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/62

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seulement sans plaisir, mais sans une émotion extraordinaire. Mademoiselle de Mars, qui étoit un ange, me parloit souvent de Dieu, surtout dans nos promenades. Nous n’avions mulle idée de botanique et d’histoire naturelle ; mais nous admirions avec extase les cieux, les arbres, les fleurs, comme preuves de l’existence de Dieu et comme ses ouvrages, et cette idée animoit et embellissoit pour nous toute la nature entière. Ce n’étoit point une savante institutrice qui me donnoit de graves leçons, c’étoit une jeune fille de dix-sept ans, remplie de candeur, d’innocence et de piété, qui me confioit ses pensées, et qui faisoit passer dans mon âme tous les sentimens de la sienne ; sous ce rapport nulle éducation n’a pu se comparer à la mienne. Tous les jours après le dîner en sortant du salon, nous allions dans nos chambres réciter l’office de la Sainte-Vierge, et c’étoit avec un tel goût, que lorsque quelque chose dérangeoit cette habitude, nous en éprouvions un véritable chagrin. Dans ce temps il m’est arrivé bien souvent, en me réveillant au milieu de la nuit, de me lever, et de me prosterner sur le plancher pour prier Dieu. J’étois aussi heureuse qu’un enfant peut