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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/72

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vènemens singuliers, mais j’y plaçois des renversemens de fortune, des persécutions ; j’aimois à me figurer que j’aurois la force d’y résister. Je me suis supposée mille fois proscrite, calomniée, errante, forcée de me cacher sous des noms supposés, et de vivre de mon travail. À la fin de ces romans je ne manquois pas de triompher du sort et de mes ennemis ; mais cette partie de mon histoire m’amusoit peu, elle éteignoit mon imagination, je la terminois brusquement. Ces espèces d’exercices de tête, ces inventions, qui m’accoutumoient à me familiariser avec l’idée de la persécution et du malheur, ne m’ont pas été inutiles par la suite. Je dois dire une chose à ma louange, et qui m’a distinguée de toutes les personnes d’une imagination romanesque, c’est que je ne désirois les évènemens que pour déployer certaines qualités de l’âme que j’admirois, la patience, le courage, la présence d’esprit ; et c’est pourquoi je me plaçois toujours dans des situations malheureuses. Ainsi il y avoit dans ces rêveries un fond d’amour pour la gloire et pour la vertu qui surtout dans l’enfance les rendoit remarquables. D’ailleurs j’avois le plus grand éloignement pour tout mouvement extra--