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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/74

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reur. C’est une chose si singulière que cette antipathie, que je ne dois pas la passer sous silence. Je ne crois pas aux règles sur la physionomie données par Lavater ; mais je crois que la nature a doué certains individus d’un instinct précieux, celui de connoitre à peu près l’âme par l’impression que produisent en eux certaines physionomies, et je suis persuadée que j’ai cet instinct. Ce personnage que je haïssois, étoit un gentilhomme que l’on prétendoit être de l’ancienne et illustre maison de Châlons, depuis long-temps éteinte ; il s’appeloit M. de Châlons, âgé alors de trente et quelques années ; quoiqu’il fût assez riche, il n’avoit jamais voulu se marier, sous prétexte d’une extrême dévotion ; il avoit une telle réputation de piété, qu’il passoit pour un saint. Sa figure étoit assez belle, mais sa manière de regarder en dessous et à la dérobée avoit commencé mon aversion pour lui. J’avois remarqué aussi que, lorsqu’il étoit à l’église, il faisoit de pieuses contorsions ; des yeux en l’air et des mains croisées sur la poitrine qui ne m’édifioient pas du tout. Enfin j’avois deviné qu’il étoit un hypocrite, et la suite a prouvé qu’il étoit le plus horrible scélérat dont on ait jamais entendu