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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/90

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dans le cabinet de mademoiselle de Mars pour la presser de venir avec moi à la promenade ; elle écrivoit, et me dit qu’elle ne pourroit y aller que dans une demi-heure ; j’insistai, elle refusa positivement ; je ne me rebutai point, et je la tourmentai tant, qu’elle céda en grondant ; je l’entraînai presque de force ; à peine avions-nous passé le seuil de sa porte, la queue de sa robe étoit encore dans le cabinet (car alors les robes les plus simples avoient une petite queue), que le plafond de son cabinet tomba tout entier avec un fracas épouvantable ; une grosse servante, qui faisoit sécher du linge dans le grenier, tomba à cheval sur une poutre ; elle en fut quitte pour quelques contusions. Ainsi, mon importunité, ou, pour mieux dire, mon pressentiment, nous sauva la vie à l’une et à l’autre.

Avant de quitter la Bourgogne, je rendrai compte encore d’un fait qu’une femme n’oublie jamais ; c’est la première passion qu’elle ait inspirée. J’étois encore bien enfant, je n’avois que onze ans et trois mois, j’étois même fort petite pour mon âge, et j’avois un visage et des traits si délicats que ceux qui me voyoient pour la première fois, ne me donnoient que