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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/91

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huit ou neuf ans tout au plus ; cependant un jeune homme de dix-huit ans étoit éperdument amoureux de moi ; c’étoit le fils du docteur Pinot, l’un des premiers médecins des eaux de Bourbon-Lancy. Il jouoit depuis deux ans avec nous la tragédie et la comédie ; j’ai déjà parlé de sa véhémence dans les rôles tragiques. Personne au monde ne soupçonnoit sa folie, et assurément je n’en avois aucune idée ; un matin que nous venions de répéter le Distrait de Regnard, ce jeune homme, après la répétition, saisissant un moment où sur le théâtre je me trouvois éloignée des autres acteurs et seule dans une coulisse, s’approche de moi précipitamment, et avec un air égaré me remet un billet en me disant tout bas qu’il me prioit de le lire, et de ne le montrer à personne ; très-surprise je pris ce billet, il s’éloigna aussitôt. Mademoiselle de Mars vint me rejoindre, je mis le billet dans ma poche, et nous montâmes dans notre chambre ; je me faisois un vrai scrupule de montrer ce billet à mademoiselle de Mars, on m’avoit si vivement recommandé le secret !… Mais un secret me pesoit vivement avec l’amie qui m’étoit si chère, en même temps ma curiosité étoit extrême. Enfin,