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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T1.djvu/93

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château, et nous y allions assez souvent passer trois ou quatre jours. M. de Bussœuil avoit fait à quarante-cinq ans l’action la plus extraordinaire et la plus courageuse. Il étoit d’une grande taille et d’une prodigieuse force physique. Sur la fin d’un été, un loup enragé fit d’affreux ravages dans sa terre ; il assembla un matin ses paysans, les arma de fusils, et il fut décidé qu’en sortant de la grand’messe on iroit à la chasse de ce loup, ce qui fut exécuté ; mais en entrant dans un chemin creux qui conduisoit au bois, le loup apparut tout à coup de si près qu’il étoit impossible de l’éviter, car ce chemin étoit excessivement profond et étroit. M. de Bussœuil, à la tête de ses gens, leur cria de s’arrêter ; alors s’avançant vers le loup qui accouroit la gueule toute grande ouverte, il enfonce son bras dans cette gueule épouvantable, saisit l’animal furieux par la langue, l’arrête tout court, et le fait tuer à bout portant par ses gens ! Il eut le pouce de la main droite coupé, et alla sur-le-champ à la mer, ce qui le préserva de la rage[1].

  1. L’opinion où l’on étoit alors de l’efficacité des bains de mer contre la rage est bien tombée aujourd’hui. On sait que ce remède réussit un peu mieux que tous ceux