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Page:Genlis — Mémoires inédits, (ed. Ladvocat), T2.djvu/228

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mais d’être d’une rigoureuse décence, y étoit beaucoup plus piquant. On n’y attaquoit l’honneur de personne : on y vouloit toujours de la délicatesse ; néanmoins, sous les formes artificieuses de la confiance, de l’étourderie et de la distraction, on y pouvoit médire sans scandale ; on n’y excluoit point les traits les plus perçans, pourvu qu’ils fussent lancés avec adresse, et sans colère apparente, car on ne pouvoit médire de ses ennemis reconnus. Il falloit que la médisance ne fût pas suspecte, et que, pour s’en amuser, l’on pût y croire. Dans la société, même intime, la malignité respectoit les liens du sang, l’amitié, la reconnoissance, et les gens qu’on recevoit chez soi : d’ailleurs les indifférens y étoient sacrifiés sans scrupule. On n’y flétrissoit point leur réputation ; mais on s’y moquoit du mauvais ton, des manières provinciales ou vulgaires ; on y tournoit en ridicule ceux qu’on n’aimoit pas ; c’étoit les immoler, car ces arrêts frivoles avoient force de loi, et cela devoit être. Partout où se trouve une association généralement regardée comme supérieure à toute autre du même genre, se trouve un tribunal, dont les juges prononcent des sentences irré-