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Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 2.djvu/308

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et cet orgueil, toujours mêlé dans la vertu des anciens, trouvait une sorte de gloire à s’affranchir à la fois de l’esclavage et de la vie. La philosophie vint encore étendre ses maximes du désespoir : elle approuva l’homicide sur soi-même pour se dérober au fardeau de l’existence, toutes les fois que les infirmités, la douleur ou l’ennui la rendaient importune.

La profession ouverte de l’athéisme se trouve, à cette époque de la littérature romaine, dans les écrits du célèbre historien de la nature. Pline, après avoir expliqué toutes les croyances populaires par les dispositions de crainte et de curiosité naturelles à l’esprit humain, se rit des efforts que la philosophie voudrait faire pour concevoir les attributs et les bornes de la Divinité. Cette tristesse amère et réfléchie, qui semble appartenir plus particulièrement à certains âges de la société, et qui est le premier fruit de l’athéisme, n’a jamais inspiré peut-être une pensée plus désolante que les derniers mots de Pline, au moment où il admet pourtant la supposition de l’existence d’un Dieu. Dans une sorte de dépit contre cet aveu, il se plaît à rappeler toutes les choses que ce Dieu, quel qu’il soit, ne saurait faire. « Il ne pourrait, dit-il, se donner la mort, faculté qui dans les maux de la vie est le plus grand bienfait qu’ait reçu l’homme. » On peut longtemps réfléchir avant de trouver dans la corruption de l’état social, et dans le désespoir de la philosophie, un plus triste argument contre la Divinité que cette impuissance de suicide regardée comme une imperfection, et cette jalousie du néant attribuée même aux dieux.

Mais, à côté de ce dur athéisme de Pline, Tacite croyait à l’astrologie, et il rapporte sérieusement les miracles de Vespasien : tels étaient les Romains les plus éclairés. Le peuple, la foule corrompue par les crimes de ses maîtres et par ses propres bassesses, avait à la fois tous les vices de la superstition et tous ceux de l’impiété, s’excitait au crime dans les temples et se moquait de ses dieux au théâtre. Diane était fouettée sur la scène ; on y lisait le testament de défunt Jupiter ; on y tournait en dérision trois Hercules faméliques. Ce n’était pas assez