Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 5 bis.djvu/43

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxxix
VIE DE SAINT CYPRIEN.

cœur du saint évêque, blessé des mêmes traits que ces infortunés, et mutilé dans leur personne.

Les Chrétiens pusillanimes qui apostasièrent furent désignés sous le nom de Laps ou de tombés. Mais il y eut plusieurs degrés dans la honte comme dans la prévarication. Les uns avaient offert aux idoles un encens sacrilége, ou s’étaient nourris des mets impurs qui leur avaient été présentés ; ils formaient la première classe, que l’on nommait Thurificati. D’autres, placés entre une défection qui révoltait l’honneur chrétien et des bûchers sur lesquels ils n’avaient pas le courage de monter, composèrent avec leur conscience. Ils demandèrent aux magistrats ou reçurent de leurs mains des certificats qui, en attestant qu’ils avaient sacrifié, les dispensaient de l’acte idolâtrique. Mais l’apostasie était enregistrée dans les actes proconsulaires, comme si elle eût été formellement articulée. Là était le crime, puisqu’ils acceptaient volontairement les apparences de la trahison. On donnait à ces derniers le nom de Libellatiques.

Aussitôt que le feu de la persécution se fut un peu ralenti, cette multitude de coupables, méprisés des leurs et en guerre avec eux-mêmes, comprit la grandeur de sa prévarication, et ploya sous le fardeau de la honte. Elle résolut donc de rentrer dans l’Église qu’elle avait abandonnée aux jours du péril. L’absolution des crimes, même de ceux qui renfermaient moins de gravité que l’apostasie, ne s’obtenait pas facilement alors. L’exclusion des saints mystères, des jeûnes sous le sac et la cendre, de longues années d’épreuve, des larmes, des supplications, la publicité de ces humiliations salutaires, telle était la voie laborieuse pour remonter du vice à la vertu. Quelquefois une vie entière, usée dans les macérations de la pénitence, suffisait à peine à cette longue réhabilitation. La sévérité des canons ne se relâchait que dans des occasions extraordinaires, telles qu’une ferveur peu commune, l’approche de la persécution ou de la mort. Encore, dans cette dernière circonstance, si le mourant