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nom, et le mois de janvier fut institué en son honneur. On le représente avec deux visages, parce que, debout entre l’année qui s’écoule et l’année qui commence, il semble les regarder à la fois l’une et l’autre. Quant à l’Africain, il adore sans pudeur ses monarques, et ne prend pas même la peine de déguiser son culte. Qu’on ne demande plus pourquoi la religion, avec cette prodigieuse multiplicité de dieux, revêt toutes sortes de formes parmi tant de nations diverses qui honorent chacune quelqu’un de leurs ancêtres. Nous lisons, dans une lettre assez étendue qu’Alexandre écrivait à sa mère, cette révélation curieuse. Un prêtre, disait-il, intimidé par sa puissance, lui avait livré le secret de ces dieux-hommes ; ce secret, le voici : Le respect pour les rois et pour la mémoire des ancêtres, grandissant avec le temps, s’était converti en culte et en sacrifices.

Mais, s’il est né des dieux jadis, pourquoi n’en voyons-nous plus naître de nos jours, à moins peut-être que Jupiter n’ait vieilli ou que la fécondité de Junon ne soit épuisée ? Ces dieux ont combattu pour les Romains, dit-on : fort bien ; mais pourquoi ces immortels de même aloi n’ont-ils pu arrêter les aigles romaines, quand il s’agissait de sauver leurs adorateurs ? Nous connaissons tous ces dieux de bas étage qui pullulèrent à Rome ; c’est un pieux mensonge de Proculus qui divinisa Romulus. J’en dis autant de Picus, de Pilumnus, de Tibérinus, de Consus, dieu de la fraude, et bientôt érigé en dieu du conseil, par les soins de Romulus, aussitôt que la perfidie eut triomphé dans l’enlèvement des Sabines. Tatius métamorphosa en déesse une Cloacine, trouvée dans un égout ; Hostilius consacra la peur et la pâleur ; la fièvre eut son temple, grâce à je ne sais quel visionnaire, et deux courtisanes fameuses, Acca et Flora, reçurent les honneurs de l’apothéose. Tels sont les dieux de Rome. Au reste, ce Mars, objet du culte des Thraces, le Jupiter de la Crète, Junon, adorée à Saraos, à Argos, en Phénicie ; Diane taurique, la mère des dieux, dont le mont Ida célèbre les fêtes ; tous ces monstres de l’Égypte, importés en Italie, ne sont pas des dieux. Supposez-leur le moindre degré de puissance, eussent-ils laissé crouler leur empire et celui de leurs adorateurs ?