Page:Genoude - Les Pères de l'Eglise, vol. 5 bis.djvu/90

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vaincue… Pardon, mille fois pardon, ô vertueux personnage ! ou, pour parler avec plus de justesse, quoique la religion ait inspiré de beaux sacrifices avant Jésus-Christ, reconnais avec moi que son avénement, époque de consommation, a dû enfanter de plus beaux dévouements encore. Le juste de la loi antique ne recueillait que ceux de sa race, proscrits ou immolés par l’Assyrien.

11. L’exil fut la récompense de notre pontife. Telle est la marche constante de l’impiété : aux cœurs les plus héroïques les plus cruels châtiments. Les réponses du ministre de Dieu à l’interrogatoire du proconsul sont consignées dans les Actes. Cependant on chasse de la ville celui qui venait de sauver la ville. On condamne au bannissement celui qui avait épargné à l’œil des vivants l’horreur d’un infernal séjour ; celui qui, sentinelle vigilante de la charité, pendant que la multitude fuyait de toutes parts un spectacle hideux, seul avait pourvu à tout, ô bonté étrangement reconnue ! et avait empêché la patrie, si lâchement abandonnée, de s’apercevoir de son veuvage. Le monde compte l’exil parmi les châtiments : laissons-le décider avec quelle justice il bannit Cyprien. La patrie est trop chère aux enfants du siècle ; leur nom leur est commun avec leurs pères. Nous, nos pères nous deviennent un objet d’aversion quand ils nous conseillent le crime. Vivre hors des murs de leur ville leur est un supplice ; l’univers tout entier n’est qu’une vaste maison aux yeux du Chrétien. Reléguez-le sur une plage solitaire et reculée, il ne pourra jamais se croire en exil ; il vit parmi les œuvres de son père. Ajoutez à cela que, du moment où il sert Dieu en vérité, il est à peu près comme un hôte de passage dans sa propre ville. En effet, voyez-le dépouillant les habitudes du premier homme et immolant les désirs de la chair à la continence de l’Esprit saint. Au milieu de ses concitoyens, j’allais dire au milieu de sa famille, il reste étranger à la vie de la terre. D’ailleurs, supposez qu’en d’autres circonstances l’exil pût paraître un supplice, les procès, les condamnations que subit le Chrétien pour servir d’épreuve à sa foi, en lui donnant la gloire, cessent d’être un mal. Mais je veux que ce soit une