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Page:Gentil, La chute de l’empire de Rabah, Hachette, 1902.djvu/101

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et unis à eux ils soumirent successivement les Foulbés installés près de Massénia, et les groupements arabes très nombreux fixés un peu dans tous les territoires du Baguirmi actuel. Les vaincus payèrent tribut, mais réussirent à donner leur religion aux vainqueurs. Aujourd’hui Boulalas, Foulbés et Arabes forment la population baguirmienne.

Je n’insisterai pas davantage sur le Baguirmi, bien que j’aie encore beaucoup de choses à en dire. Je reviens à notre séjour à Massénia.

Comblé d’attentions et de soins par l’entourage de Gaourang, je ne perdais pas de vue l’objectif de mon voyage, et dans une des dernières entrevues que j’eus avec le sultan, je lui exprimai mon désir de pousser jusqu’au Tchad. Il fit son possible pour m’en dissuader, disant que c’était folie pure de s’aventurer avec si peu de monde dans un pays occupé par Rabah, que je ne devais pas oublier qu’il avait tué Crampel, et que pareil sort nous attendait infailliblement. Il est certain qu’en parlant ainsi il était sincère, mais il est fort probable que la crainte de nous voir nouer des relations avec Rabah entrait pour quelque chose dans ses préoccupations.

Aussi lui demandai-je, afin de le rassurer, de vouloir bien me donner deux hommes, dans lesquels il avait confiance, pour nous servir de guides. J’ajoutai qu’étant si près du Tchad, nul dans mon pays ne comprendrait que nous nous arrêtions en route et que, d’ailleurs, les Français ne craignaient personne. Gaourang était jeune ; il consentit à notre départ et nous adjoignit deux hommes remarquables, l’un, l’aguid Mondo, son propre beau-frère, et l’autre, Youssef, qui avait navigué longtemps sur le Chari et sur le Tchad. La terreur inspirée par Rabah était telle que nous grandîmes de cent coudées dans l’estime publique ; mais notre projet fut considéré par tous comme irréalisable.

Nous fîmes toutes les provisions nécessaires. On tua des bœufs dont on fit boucaner la viande, on embarqua du bois pour trois jours, et vingt villages, réquisitionnés par ordre du sultan, nous fournirent de l’huile de poisson, d’arachides et d’hadjilidj