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Page:Gentil, La chute de l’empire de Rabah, Hachette, 1902.djvu/115

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je lui enverrais un agent qui resterait à demeure à N’Dellé, sa capitale, mais pour l’instant j’allais retourner en France avec ses envoyés et ceux du Baguirmi. Ma tâche était donc accomplie. Aucun péril ne semblait imminent. Aussi, après avoir renvoyé au Baguirmi M. Prins, avec une douzaine de Sénégalais et une cinquantaine de fusils pour Gaourang, décidai-je de rentrer en France, pour exposer au Gouvernement un programme d’action plus complet.

Je laissai la direction des affaires à mon excellent collaborateur Huntzbüchler, alors en parfaite santé ; il était convenu que je le ferais remplacer dès mon arrivée à Libreville. Hélas, nous ne devions plus nous revoir. La mort impitoyable le frappa au moment où il rentrait à son tour en France. Quelques mois après m’avoir quitté, il s’éteignit à Brazzaville, atteint de pneumonie, mais en réalité victime du surmenage effrayant auquel il avait été soumis pendant cette rude campagne. Je perdis en lui un excellent ami, et le pays un serviteur précieux.

Sur la route de France, en arrivant au fleuve Oubangui, je me rencontrai avec M. de Béhagle, ancien compagnon de Maistre, envoyé en mission commerciale dans le bassin du Tchad par un syndicat français. Maigre, de taille moyenne, les os de la figure saillants, les yeux creux, il offrait l’aspect d’un homme énergique. Ses traits durs, se contractant parfois, semblaient avoir reçu l’empreinte d’un chagrin profond. Constamment coiffé d’une chéchia rouge, recouverte d’une coiffe bleue, il allait narguant le soleil. Nous nous vîmes avec le plus grand plaisir. Il me confia ses projets et me demanda de l’aider.

J’y consentis bien volontiers, à condition qu’il me promît de s’abstenir de toute ingérence dans la politique et de se conformer strictement à son programme.

Il me déclara qu’il suivrait exactement mes indications, si bien que j’ordonnai à Huntzbüchler de mettre à sa disposition le Léon-Blot, dès les prochaines hautes eaux, pour effectuer deux voyages au Baguirmi, où il devait créer des établissements. Nous avions convenu également entre nous, que si l’occasion s’offrait pour