Page:Gentillet - Discours sur les moyens de bien gouverner (Anti-Machiavel).djvu/12

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quels appert que les Princes qui se sont gouvernez par douceur & clemence conjointe à justice, & qui ont usé de moderation & debonnaireté envers leurs sujets, ont toujours grandement prospéré, & longuement regné. Mais au contraire, les Princes cruels, iniques, perfides, & oppresseurs de leurs sujets, sont incontinent tombez eux & leur estat en peril, ou en totale ruine, & n'ont gueres long temps regné, & le plus souvent ont finy leurs jours par mort sanglante et violente. Et dautant que les exemples de bon gouvernement sont la pluspart prins de la noble maison de France, dont vostre Excellence est issue, je m'asseure, Monseigneur, qu'ils vous esmouveront toujours de plus fort à resusciter & faire reluire en vous les vertus heroiques de vos ayeuls : & à chasser hors de France les vices infames qui s'y enracinent, a savoir cruauté, injustice, perfidie, & oppression, ensemble les estrangers qui les y ont apportez, & les François degenereux & abastardis leurs adherans, qui favorisent à leurs tyrannies & oppressions, lesquelles trainent apres elles la subversion de l'Estat du Royaume. Cela mesme poussera vostre Excellence à remettre sus la maniere de gouverner vrayement Françoise, usitee par vos devanciers, & à bannir & renvoyer celle de Machiavel en Italie, dont elle est venue, à nostre tresgrand malheur et dommage. Dequoy tout le Royaume, nobles, ecclesiastiques, marchans et roturiers, voire les Princes & grands Seigneurs, vous seront à jamais grandement tenus & obligez : comme est le pauvre malade languissant,