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Page:George Eliot Adam Bede Tome 2 1861.djvu/17

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adam bede.

femme. Une femme ! hélas, c’est un être tissant dans sa jeune ignorance un léger réseau de folies et d’espérances vaines qui pourra un jour l’entourer et la serrer, comme un vêtement empoisonné et rongeur, changeant tout à coup ses sensations coquettes et semblables à celles d’un papillon en une vie de profonde angoisse humaine.

Mais elle ne peut garder longtemps ces brillantes boucles, car elle ferait ainsi attendre son oncle et sa tante. Elle les pose promptement dans leur boîte et les remet sous clef. Un jour elle pourra porter celles qu’il lui plaira, et déjà elle vit dans un monde invisible de riches toilettes de gazes diaphanes, de satin et de velours moelleux, tels que la femme de chambre du château lui en a fait voir dans la garde-robe de miss Lydia ; elle sent déjà les bracelets sur ses bras, et foule un épais tapis devant un grand miroir. Mais il y a dans le tiroir un autre objet qu’elle veut porter aujourd’hui, parce qu’il peut se suspendre à la chaîne de grains brun foncé qu’elle a l’habitude de mettre dans les grands jours ; elle veut mettre ses graines brunes, son cou aurait l’air inachevé sans cela. Hetty n’aimait pas autant le médaillon que les boucles d’oreilles, quoiqu’il fût grand et beau, à fleurs émaillées sur le fond et avec une superbe bordure d’or autour de la glace qui laissait voir une boucle légèrement ondulée de cheveux brun clair, sur laquelle s’appuyaient deux petites boucles noires. Elle le cacherait sous son vêtement et personne ne le verrait. Hetty avait une autre passion, seulement un peu moins forte que son amour du luxe ; et elle lui faisait désirer de porter le médaillon, même caché dans son sein. Elle l’aurait toujours mis, si elle n’avait redouté les questions de sa tante au sujet du ruban à son cou. Maintenant elle peut l’attacher à sa chaîne de grains bruns. Ce n’était pas une très-longue chaîne, juste assez pour cacher le médaillon sous le bord de sa robe. Et maintenant elle n’avait plus qu’à mettre ses