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Page:George Eliot Adam Bede Tome 2 1861.djvu/18

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manches longues, son mouchoir neuf de gaze blanche, et son chapeau qu’elle avait garni de blanc au lieu de rose, et qui s’était un peu passé sous le soleil de juin. Ce chapeau était pour elle la goutte d’amertume dans la coupe de ce jour, n’étant plus aussi frais que celui qu’aurait probablement Mary Burge. Elle regarda pour se consoler ses beaux bas de coton blanc ; ils étaient vraiment très-fins, et elle avait donné presque toutes ses épargnes pour les acheter. Les rêves d’avenir d’Hetty ne pouvaient la rendre insensible à un triomphe présent ; certainement le capitaine Donnithorne l’aimait tant, qu’il ne penserait pas à regarder d’autres personnes ; mais aussi ces autres personnes ne savaient pas combien il l’aimait, et il ne lui était pas agréable de paraître insignifiante à leurs yeux, ne fût-ce que pour peu de temps.

Toute la famille était rassemblée dans la chambre commune, tous avec leurs habits du dimanche, lorsque Hetty arriva ; les cloches avaient tellement sonné le matin en l’honneur du vingt et unième anniversaire du capitaine, et l’ouvrage avait été terminé de si bonne heure, que Marty et Tommy n’avaient pas l’esprit très-à l’aise, jusqu’à ce que leur mère leur eût assuré qu’aller à l’église ne faisait point partie des réjouissances du jour. M. Poyser avait d’abord émis l’idée qu’on pouvait bien fermer la maison et la laisser se garder elle-même. « Car, dit-il, il n’y a pas à craindre que personne fasse effraction, tout le monde sera à la fête, voleurs et autres. Si nous fermons la maison, tous les hommes pourront aller ; c’est un jour qu’ils ne verront pas deux fois dans leur vie. » Mais madame Poyser répondit d’un ton très-décidé : « Je n’ai jamais laissé la maison se garder elle-même depuis que je suis maîtresse, et c’est ce que je ne ferai jamais. Il y a eu assez de rôdeurs de mauvaise mine dans les alentours, la semaine dernière, pour qu’on puisse enlever les jambons et les cuillères que nous