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Page:George Eliot Adam Bede Tome 2 1861.djvu/21

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adam bede.

dans cet endroit découvert et économiser les feux. Je vais aller m’asseoir dans la chambre de madame Best.

— Attends un moment, attends un moment, dit M. Poyser. Voici le char qui arrive avec les vieillards ; ce sera un spectacle qu’on ne reverra pas que de les regarder descendre et marcher ensemble. Vous devez vous rappeler quelques-uns d’eux dans leur beau temps, dites donc, père ?

— Eh, eh, dit le vieux Martin se promenant lentement à l’ombre du porche de la loge, d’où il pouvait voir descendre la vieille compagnie, je me souviens d’une marche de cinquante milles que fit Jacob Taft à la poursuite des Écossais rebelles, quand ils abandonnèrent Stoniton. »

Il se sentait tout à fait jeune, croyant à une longue vie devant lui en voyant le patriarche d’Hayslope, le vieux père Taft, descendre du char et s’approcher de lui avec son bonnet de laine brune et s’appuyant sur ses deux cannes.

« Bien, maître Taft, cria le vieux Martin au plus haut diapason de sa voix ; car, tout en sachant que le vieillard était sourd comme une pierre, il ne pouvait oublier la convenance de le saluer, vous avez encore bon courage. Vous pouvez vous amuser aujourd’hui, quoique vous ayez les nonants et encore plus.

— Votre serviteur, messieurs, votre serviteur, » dit le père Taft d’une voix basse, s’apercevant qu’il était en société.

Le groupe des vieillards, sous les soins de leurs fils et de leurs filles, eux-mêmes usés et grisonnants, suivit la route carrossable qui faisait le moins de détours pour se rendre à la maison où une table spéciale leur était préparée, tandis que la famille Poyser traversa sagement le gazon pour se mettre à l’ombre des grands arbres, mais non hors de vue de la façade avec sa pelouse et ses corbeilles de fleurs, ou de la jolie tente rayée au bord du boulingrin. Elle était placée à angles droits de deux autres plus grandes, élevées de