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Page:Georgel - Mémoires pour servir à l’histoire des événements de la fin du 18e s. depuis 1760 jusqu’en 1806-10, tome 1.djvu/13

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les mémoires du célèbre Favier, qui avoient été communiqués au prince ambassadeur. Il étoit d’ailleurs lié avec cet oracle de la politique moderne, qui a pu également lui donner, de vive voix, des notions sur son nouvel état[1].

M. l’ambassadeur et son secrétaire arrivèrent à Vienne dans le courant de janvier 1772. Ils furent reçus de la manière la plus distinguée par Marie-Thérèse et son fils Joseph II. Le fameux prince de Kaunitz, premier ministre, leur fit pareillement beaucoup d’accueil. L’abbé Georgel fut particulièrement bien reçu, parce qu’il avoit été recommandé à ses bontés par la célèbre madame Geoffrin, son amie. Cette dame, si connue par sa belle âme et le noble usage qu’elle faisoit de ses richesses, réunissoit dans sa maison tout ce que la ville, la cour et l’étranger avoient de plus grand. Des princes et des rois s’y trouvoient rassemblés avec des philosophes, des hommes de lettres et des artistes. Gustave III, roi de Suède, et Stanislas Poniatowski dernier roi de Pologne, avoient fréquenté cette société, et avoient conservé pour madame Geoffrin, avec qui ils étoient en relation épistolaire, beaucoup d’estime et d’amitié. Le prince de Kaunitz, pendant son ambassade à Paris, s’étoit également lié avec

  1. Cet homme d’un talent si rare, ce diplomate si éminemment français, mal apprécié et même persécuté pendant sa vie, a été oublié depuis sa mort par nos biographes, quoiqu’il soit auteur d’une foule d’écrits qui sont vraiment, dans leur genre, des ouvrages classiques. Le libraire Buisson en avoit publié quelques-uns, en 1793, sous le titre, de Politique de tous les cabinets de l’Europe etc. et dans une seconde édition qu’il, en donna, M. de Ségur les enrichit de notes. Mais beaucoup d’autres sont restés inédits ; ils avoient passé, en la possession de feu l’abbé Soulavie, ce grand manipulateur de politique et d’histoire. Quand on considère que nul diplomate n’a plus invariablement que Favier consacré ses talens, à faire prévaloir les intérêts de son pays, on est étonné ; on ne sait comment expliquer l’injuste indifférence gui en a été tout le prix.