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Page:Georgel - Mémoires pour servir à l’histoire des événements de la fin du 18e s. depuis 1760 jusqu’en 1806-10, tome 1.djvu/14

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elle, et en avoit conservé les souvenirs les plus affectueux. L’abbé George], au sortir du cloître, lancé dans un monde nouveau et inconnu pour lui, eut le bonheur de rencontrer cette excellente femme qui se chargea, comme elle le disoit, de faire son éducation. C’est là où il puisa cette noble aisance que l’on n’acquiert que dans le grand monde ; c’est là qu’il forma, ainsi que dans la maison de Rohan, ces belles connoissances avec tout ce que le clergé, la noblesse, la magistrature, avoient de plus élevé.

L’ambassade si splendide du prince Louis étoit une suite de fêtes qui réunissoient tout ce que la haute société de Vienne avoit de plus élégant en hommes et en femmes. Toute cette mondanité contrastoit un peu avec son caractère épiscopal, et déplaisoit à la rigide Marie-Thérèse. Elle lui fit témoigner poliment l’improbation qu’elle donnoit à un pareil train de vie. Malheureusement il ne tint pas grand compte de cet avertissement. Mais un sujet plus réel de mécontentement pour cette princesse, c’étoit l’éveil que l’ambassadeur ne cessoit de donner à la cour de Versailles concernant l’odieuse connivence du cabinet de Vienne avec ceux de Berlin et de Pétersbourg pour le partage de la Pologne. Elle dut surtout être irritée au dernier point d’une lettre livrée imprudemment par le duc d’Aiguillon à madame du Barry, lue et commentée malicieusement par cette dernière dans un de ces soupers voluptueux de Louis XV, auxquels le respect pour la majesté royale empêche de donner un autre nom. Dans cette lettre, la reine de Hongrie étoit représentée ayant un mouchoir d’une main pour essuyer ses pleurs, et de l’autre saisissant le glaive co-partageant qui devoit lui assurer la troisième part dans ce brigandage[1] (1). Un

  1. On fit en Pologne, à ce même sujet, des caricatures un peu plus indécentes contre Catherine II ; impuissante vengeance d’un peuple opprimé, qui, à défaut d’armes, employoit le burin des graveurs et la plume des écrivains pour flétrir ses oppres-