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ESCAL-VIGOR

après une veillée prolongée à grands renforts d’intermèdes athlétiques et de pantalonnades d’entraîner toute la bande dans un exode à travers l’île et de ne rendre les turlupins à leurs foyers conjugaux ou paternels que le lendemain soir, après une pittoresque caravane illustrée de saltations, de beuveries, de ventrées et de prouesses galantes sous les chaumes et dans les foins.

Kehlmark dépensait sans compter. On aurait dit qu’il voulait s’acheter par des libéralités souvent excessives et des bonnes œuvres inconsidérées son droit à un mystérieux et exigeant bonheur ; qu’il voulût en quelque sorte payer la rançon d’une jalouse et fragile félicité.

Ces folles largesses contribuaient sans doute au souci de Blandine ; toutefois elle ne risquait aucune remontrance, et avisait au moyen de faire face à ces dépenses intempestives.

Naturellement, il entrait dans la popularité du Dykgrave une grande part de courtisanerie, de lucre et de cupidité ; mais, si la plupart des rustres l’aimaient grossièrement, du moins l’aimaient-ils à leur façon. Les pauvres diables de Klaarvatsch, notamment se seraient fait hacher pour leur jeune seigneur.