Page:Georges Eekhoud - Escal-Vigor.djvu/199

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
191
ESCAL-VIGOR

Pars, quitte-moi. Abandonne ce pestiféré. Je ne veux plus de ton insultante compassion… Ah, tu es mon remords, mon vivant reproche ! Quoi que tu fasses, tu es un miroir dans lequel je me vois constamment attaché au pilori, sous le fer rouge du bourreau…

Et il la saisissait par les poignets au risque de les lui meurtrir ; il lui criait dans le visage :

— Ô femme normale, modèle, irréprochable, je te hais, entends-tu bien, je te hais !

Va, j’en ai assez. Toute extrémité plutôt que cet enfer. Livre-moi, madame Judas. Ameute nos vertueux voisins et l’île entière. Cours chez le dominé. Dis-leur qui je suis ! Ah ! Eh bien, cela m’est égal…

Ce perpétuel mensonge, cette dissimulation de tous les instants m’étouffe et me pèse. Tout est préférable à ce supplice. Si tu ne parles pas, je parlerai, moi ! Je leur dirai tout !… Ah, je te parais infâme ; mais alors toi, Blandine, tu es bien plus infâme que moi d’avoir vécu aux crochets de celui que tu méprises ; de t’être fait nourrir, entretenir par ce réprouvé, d’avoir toléré si longtemps ses vices parce qu’il te payait largement !…

— Henry, mon bien-aimé ! Vraiment, tu crois